Avoir un passeport en bon état, c’est important. Tu veux connaître l’histoire du jour où je ne suis pas allée en Equateur ? Ouais, je sais, dit comme ça, ça n’a pas l’air passionnant…vu que je n’y suis pas allée. Disons que j’y étais presque, mais vraiment PRESQUE.
[Flashback] – On est en décembre 2015. Je suis en échange universitaire à Lima, au Pérou, et je rentre bientôt en France (la fin d’une ère, la fin d’une coloc de 8 fous, la fin des pisco sour…mais aussi le début de nouvelles aventures). Avant de rentrer, j’ai 10/15 jours de vacances, et j’en profite donc pour planifier un voyage.
Le calme avant la tempête
Pour bien commencer, je vais passer quelques jours à la plage à Mancora avec des amis, avant de partir avec deux autres amis en Equateur. Pour te mettre en contexte, Lima – Mancora c’est 20 heures de bus. Ensuite le plan consistait à prendre le bus de nuit de Mancora à Cuenca (ou une autre ville…je ne sais plus!) avec un ami. Un autre ami avait prévu de nous rejoindre directement en avion depuis Lima.



J’avais hâte d’aller en Equateur, j’avais bien regardé quoi faire et concocté un petit itinéraire. Bref, le moment d’embarquer dans le bus de nuit arrive, c’est parti ! On s’installe, on s’endort, tout va bien, dans quelques heures on sera en Equateur.
Le (non) passage de la frontière
La simple formalité
Vers 1h du matin on arrive à la frontière. Tout le monde descend du bus, c’est l’heure du contrôle du passeport, simple formalité et c’est reparti. Enfin… ça c’est ce que je pensais à ce moment-là, quand à moitié endormie, je suis sortie du bus pour aller faire la queue au poste de douane. Le poste en question : un petit bureau, avec deux douaniers et deux files d’attentes (oui, ce détail a son importance). C’est enfin à moi.
Le choc
Je présente mon passeport au douanier, il me regarde et me dit « non, c’est pas possible ». Quoi, comment ça non ? Il me répète que je ne peux pas rentrer en Equateur, parce que mon passeport est abimé.
A ce moment- là dans ma tête, c’est le bordel.
Le déni
Ouais mais enfin…avec ce même passeport abimé je suis quand même rentrée en France (bon ok, je suis française, ça aide), aux Etats-Unis, au Pérou et en Bolivie ! Pourquoi pas en Equateur ?!
Dans ma détresse je me dis que ça ne coûte rien de tenter avec le douanier d’à côté en refaisant la file. Bon oui mais non…ils ne sont pas débiles, il était au courant et m’a dit l’équivalent de « ne me prends pas pour un débile Madame, mon collègue vient de te dire NON ». Ok, on va pas insister. J’arrive pas à pleurer sur demande en plus. Dommage, ça aurait été une bonne occasion d’utiliser cette faculté.
Là…gros moment de solitude. Je fais quoi ?
La réalisation
Finalement, j’ai dit à mon ami de continuer sans moi…puisqu’en plus un autre ami arrivait directement là-bas en avion. De mon côté, j’ai suivi le conseil du douanier : j’ai pris un taxi pour retourner au Pérou. N’oublions pas qu’il est une heure du matin, il fait nuit, et ce n’est pas la frontière la plus safe du monde. Heureusement (enfin malheureusement), je ne suis pas la seule à qui ça arrive, donc il y a des taxis sur place.
Le retour en arrière
Problème #1
On est quand même « côté Equateur », donc le taxi m’explique qu’il va m’amener jusqu’au « côté » Pérou où il faudra que je prenne un taxi Péruvien (lui est Equatorien). Il me conduira directement jusqu’à son collègue (ouf, parce que me retrouver dans une sorte de no man’s land à la recherche d’un taxi à 1h du mat, non merci). Bon, ok. Let’s go.
Problème #2
On n’est pas en Europe – même si tu es nul en géographie, normalement si tu suis tu étais au courant. Donc c’est pas la même monnaie dans tous les pays. Moi, là, il me reste tout juste quelques soles péruviens, j’avais prévu de retirer des sous directement en arrivant en Equateur. J’explique la situation au taxi…qui m’amène à un distributeur (donc en fait techniquement, j’ai fait un petit tour en Equateur !). Bref, j’ai pu le payer.
Problème #3
Il m’a conduit jusqu’à son collègue taxi péruvien, qui me demande où je vais. Ha-ha-ha. Bonne question monsieur, je ne sais pas moi. Il me propose de me conduire jusqu’à la ville la plus proche de la frontière mais assez sécuritaire, et de me trouver un hôtel. Ok, de toute façon, je n’ai pas tant d’options qui s’offrent à moi. Soit je l’écoute, et je dors a priori en sécurité, soit je lui dis non et je lui propose une autre option (j’en ai pas en stock à ce moment-là). Donc en fait, j’ai pas le choix. En route vers de nouvelles aventures !
L’arnaque inévitable
Un trajet rassurant
En discutant avec mon chauffeur, il me dit que ça arrive tous les jours ce genre de situation. Apparemment pas mal de drogues passent par cette frontière (et de faux passeports) et vu qu’il n’y a pas de système électronique de lecture des passeports (ce qui m’avait permis de rentrer dans les autres pays sans encombre), c’est le jugement des douaniers qui compte. Bref sur le coup je n’aimais pas trop ces douaniers…mais ils ont juste fait leur travail. Au bout d’un peu moins d’une heure, on arrive enfin à Tumbes.
L’arrivée à l’hôtel (ou la prison ?)
On arrive devant un hôtel (qui ne donne franchement pas envie d’y séjourner) : un porche avec 3 petites marches surplombées d’une porte en barreaux, dignes d’une cellule de prison. Mon chauffeur vient avec moi, sonne et explique la situation à la dame (qu’on a visiblement réveillée). Je vois bien que c’est pas la première fois que la situation se présente, ils ont leur petit business et c’est quasi certain que le chauffeur de taxi touche une commission sur le prix que je paye (vraiment cher pour ce que c’est). Mais disons que j’étais contente d’arriver dans un endroit, en sécurité, avec un lit. Je remercie mon chauffeur et je vais me coucher. Euh, non. Appeler maman (merci le décalage horaire pour une fois). « Salut maman, je viens de me faire refuser à la frontière de l’Equateur et je suis dans un hôtel avec une porte en barreaux dans une ville que je ne connais pas, je sais pas trop quoi faire. Mais t’inquiète pas je vais bien. » Après avoir tergiversé pendant quelques heures j’ai fini par m’écrouler de fatigue vers 3/4h du matin. Mon plan d’action était prêt : dès le réveil j’allais partir de cet endroit, prendre un bus et retourner à Mancora, où mon amie était encore pour quelques jours.
L’instant de panique
Le constat
En me réveillant, je ne perds pas de temps, je me lève, me prépare et je descends dans le « hall ». Il n’y a personne au petit bureau, l’hôtel semble être désert et la grille de l’entrée est fermée à clé avec un énorme cadenas. Tu l’auras donc compris, je ne peux pas sortir. Ça fait beaucoup d’émotions à gérer en moins de 24h : refusée à la frontière…et bloquée dans l’hôtel.
Le moment de solitude
Tu te doutes que j’ai très envie de sortir de l’hôtel et que je suis légèrement à fleur de peau. Ma meilleure idée c’est donc de fouiller dans le tiroir du bureau (un vieux bureau en bois), et de chercher la clé du gros cadenas qui ferme les grilles. Bon, évidemment elle n’y est pas. Je trouve une sorte de barrette, et je me dis que je vais tenter d’ouvrir le cadenas comme ça (ouais…euh ça marche dans les films d’agents secrets, en revanche je peux t’assurer que moi ça n’a pas DU TOUT fonctionné). Mission James Bond : FAIL. Ne voyant pas d’autre option, je me mets à essayer de crier des « holaaaaaa » pour voir si quelqu’un répond. Rien du tout. Je revérifie le bureau, et là, dans un calepin, je trouve ce qui semble être un numéro de téléphone portable pour l’hôtel.
L’appel à un ami
Je suis bien contente d’avoir le numéro, ce serait bien de l’appeler. Oui mais, je partais en Equateur. Je n’avais donc pas rechargé mon crédit de téléphone. Je ne peux pas téléphoner. A situation désespérée, solution désespérée. J’entends parler (fort) dans la chambre près du « hall ». Je frappe à la porte et je leur explique la situation. Ils me regardent bizarre un peu, mais ils comprennent et me prêtent un téléphone pour appeler. Ça décroche ! Et la dame me dit, « mais calme toi, je suis juste là, au bout de la rue ». (Elle se fout de moi ?!). 5 minutes après, elle arrive.
La libération
Je suis libre. Par contre je suis à bout de nerfs. Je suis devenue totalement 100% bilingue espagnol le temps de dire tout ce que je pensais à cette chère dame (je pense qu’elle doit se souvenir de moi). Je l’ai menacée de dire à tous mes amis de ne surtout pas venir. Mais bon, soyons réalistes, aucun de mes amis ne serait allé là bas de toute façon, et elle en était bien consciente. Bref, je suis partie. Le bus suivant était dans plusieurs heures, en attendant j’ai déjeuné et visité le centre-ville tant qu’à faire. En fin d’après-midi j’étais de retour à Mancora – place au repos. Je suis restée quelques jours de plus, le temps de me constituer un nouvel itinéraire sur mesure dans le Nord du Pérou.



Et finalement ce fut un voyage génial – malgré cet épisode malencontreux.
Morale de l’histoire : voyage toujours avec un passeport en bon état. En l’occurrence, tout allait bien sur mon passeport, sauf la photo en filigrane qui était « effacée ». Merci la mousson en Asie…(cette histoire-là sera pour un autre article!).
Bref, c’était l’histoire du jour où je ne suis pas allée en Equateur.